Francine CARON, née l'année charnière d'Hiroshima et de la libération des camps nazis, écrit depuis 1965. Elle est aussi universitaire et revuiste (sa revue NARD, en 30 numéros, a publié 375 poètes, dont 97 femmes).


Dans ses 50 titres parus depuis 1973, qui interrogent la « poésie féminine », elle veut traduire l'Eros ou... l'Espagne, ainsi que ses voyages de par le monde, voire « la Nature », l'enfance ou le mystère animal, du lyrisme premier au haïku, sa récente recherche en « forme fixe », des plus actuelles.


Elle a publié 7 livres de bibliophilie : le premier, Cathèdres (en 1977, année de son prix Villon), chez Marc Pessin ; puis à TranSignum, dirigé par Wanda Mihuleac, en édition bilingue ou trilingue : Shoah (en 2007), Goya Goya ! etCantate pour le Grand Canyon (en 2009), Bleu Ciel d'Europe et Entre deux Rembrandt (en 2010) ; Taj Mahal (en 2011) et mène une réflexion sur la traduction littéraire avec sa traductrice américaine, Basia Miller.


Elle est présente dans les anthologies poétiques chez Seghers, Hachette jeunesse, La Table ronde, Nil, Pauvert, ou en éditions universitaires chez Ellipses et chez Hermann (Paris, 2010).


Sur le thème de la Loire (cf. anthologie Orion dans Beauté de la Loire et de ses châteaux, 2010), sa «Loireleï» figure aux Presses universitaires d'Angers (1989). Elle est l'une des quatre poètes femmes présentées dans le « Tute de damas » (au sens de carré de dames), publié par les Presses universitaires de Cadix (2007), id est, dans l'ordre du volume, Hélène Cadou, Nicole Laurent-Catrice, Francine Caron et Ariane Dreyfus.


 

Voici quelques poèmes inédits de Francine Caron :


 

CHARRETTE

Transport de Veaux,

En bétaillère à trois étages,

Le soir dans les campagnes vides.



Leur « beu-eu » tragique,

aux carrefours

de brusque stop,

de brusques chocs.



À l'heure où les bons cœurs

regardent (à la télé)

l'abattoir des polars





 


« Route Odette », au Bois de Vincennes



« Emouvantes vieilles gens, dont je ne fais pas encor partie (on campe bravement sur un os étrange). Brinquebalant sur cannes, penchés / maladroits, sous chapeau coloriant canitie / calvitie, fragiles égale humbles, on ne voit qu'eux si l'on croise patience, rage, souffrance. Si l'on croise un espoir de sourire.



Il leur faut s'adapter à être balayés, déblayés, rejetés hors décor. Aciers rouillés, ferrailles que tassent des camions vers la décharge.



D'autres diraient qu'ils sont vieil or parant souvent les arbres, éclairant le regard de leur sagesse (supposée), dans l'ultime survie de quelque liesse. »



 (inédit du vendredi 29 octobre 2010).





 

 

 



TOMBEAU DE FELIX



I

Tes yeux-merveilles. Dans la nuit d'émeraude.

Tes oreilles, grêlées de graines. Trouées par un chien, poinçonneur des Lilas.

Les branches de lilas, tu les escaladais, apparaissant soudain, conspirateur avide à la fenêtre.

Tu te reconnaissais dans le miroir. Fier de connaître un tel secret.

Familier demeuré au paradis d'enfance. Couronné d'animale passion.

Fourrure intacte, largement étalée ... ayant cessé d'être irriguée - . Fleurant lavande (et son huile essentielle) comme il n'est pas permis.

L'incarnation, cette splendeur. Entrer dans les Mille et Un luxes de la chair.

Reconnaissance à l'Orient pour l'encens.

Que ne viennent /PAS ENCOR/ les insectes. (Ta charogne, leur proie de choix - Ta beauté à bientôt dévorer.)

Que ne suis-je grand prêtre d'Egypte pour inciser ton ventre, retirer les viscères, obturer les vases canopes. Et te garder de dos, ainsi enseveli dans ton sommeil.

Pour t'inhumer : chausser les sandales d'avril - Celui-ci, celles-là qui virent célébrer de petites fiançailles de terre.

Et soudain, tout s'enchaîne. La Mort revient, grands coups de bottes, la pelle à la main, te chercher.



II

Rejoindre les morts dans leur lieu. Là où ils stagnent. Encor - Là où nos souvenirs persistent, révèlent...

Pas de sang. En toi  pourrissant - C'est moi qui l'ai perdu - Coupure.

On pense avoir pleuré « toutes les larmes de son corps ». Il en est tant  -  Nous, comme un océan de nuit.

Pour d'aucuns : « dépouille ». Je crois les connaître ces rêves, qui toujours te traversent.



III

TA géométrie // Cercle lové  Cercle sombre // à la lune pleine

 

 

 

 (inédit de mi novembre 2010, revu et corrigé en 2011)







 

 

 

Traduction anglaise de Basia Miller, assistée de Francine Caron :



I

Your eyes, those marvels. Through the emerald night

Your ears, pocked with seeds. Perforated by a pooch as if by the tichet-puncher at the « lilacs »

You'd scramble up the lilac and suddenly appear at the window - avid conspirator.

You recognized yourself in the Mirror. Proud to have such a secret.

Household pet, ever in the paradise of childhood. Crowned with animal passion.

Your pelt, intact, lies loose, lacking the flow of inner ointments. Smells immoderately of lavender (and its essential oil).

How splendid the Incarnation. Entry into the thousand-and-one luxuries of the flesh.

Gratitude to the Orient for incense.

May the insects not come ... yet. (They'll find your corpse, their favorite prey, and soon consume your beauty).

O that I were a High Priest of Egypt, incising the belly, removing the viscera, sealing the canopic vases. And keeping you with your back to me, thus entombed in your sleep.

For your burial : I don the sandals of april, witnesses of our lovely and earthly engagement.

Suddenly everything falls into place. Death returns for you, stamping her boots and wielding her shovel.



II

We must meet the dead where they reside. Where they rest. And where our memories remain and reveal.

No blood (it rots in you). I'm the one who lost it. A simple cut.

We think our eyes have wept all their tears. So many have been shed. We are like the océan of night.

For others, just your husk lies hère. But I think i know the dreams that still pass through you...



III

YOUR geometry // Dark Circle  Complete Circle  // beneath the full Moon.



 

 

 







Pour un TOMBEAU DE FELIX



LA VIE ... VIEILLESSE

« A force de vivre / onze ans / depuis l'adolescence / soit : cent trente deux mois ... quatre mille jours ! avec une dame très ancienne, tu avais cent connaissances humaines, acquis mille et une finesses.



Tu savais la douceur, la lenteur à petits pas (plus tard : un appareil), la voix chaude du temps des caresses, le journal étalé sur la table pour ces bonheurs, le sourire (au matin) de l'accueil, la réprimande (molle) devant telle incartade, le partage du jardin quand elle prenait place (en saison) sur chaise de bois déglinguée (un peu de peine encor à se pencher pour te flatter), sa tristesse lors de tes fugues (jusqu'à deux nuits), ses appels, ses questions aux pêcheurs le long de la Marne, sa Joie toute mâtinée de peurs aux réapparitions ... Ou les larmes tièdes tombées sur ton cou, quand tu remontais (ALORS) de la mort.



Tu n'oublias jamais l'odeur d'infirmerie / de la plaie / de l'ulcère / de tout ce qui rongeait - Et la vision sans cesse des gants de caoutchouc - Et comme, un dur matin de froid / après remue-ménage / montées-descentes incessantes d'hommes patauds, elle était - jour après jour - disparue de ta vie. »





 (inédit de janvier-mars 2011)












 

CHARTRES



« FEU

des joyaux de nuit

des grands dessins qui fusent

Feu du soleil qui fut   qui entrelace

Et l'Histoire est contée

le haut rêve

l'Hal/lucination neuve



Parle-moi de tes cercles   de tes siècles

de tes demeures   de tes flèches

où le Roman s'élève

où la Rose culmine

et cependant voilée



Rien qu'un mirage

Rien qu'un sillage

foulé par tant de vies

(Les pieds souffraient

Tous les pas dansent !

Les silex

aux chariots

s'apaisent



Vitraux qui souri/ez

Des bleus de gloire

amènent

à la Vierge seconde

et blanche

et majesté



Cependant

que la grotte re -

- cèle  l'or et Vibre »



 

 (inédit du 19 mars 2011).

 

 

 

 

 

 

 

FRANCINE CARON (suite)

un  CHOIX  DE  brefs  POEMES


1- Poème du 1er/ 1/ 1967 à l'ami Eugène (Guillevic), publié dans "En Vers et pour tous" de 1974 : Terre en gloire

2- Poème à rêver en forêt : Pays d'entour du 10/ 9/ 1980, in "Picardie-Poésie" de 1981 & in "D'Europe" de 1998

3- Poème de Bretagne, in "Terres Celtes" de 1985 : extrait d'Iliennes (cf. aussi "Bretagne au coeur" et "Atlantiques")

4- Poème(s) d'Egypte, in "Egyptiennes" (par. 2000) : Néfertiti &  Tombe de Nakht de 1981
(cf. aussi in "Voyage autour du monde en poésie")

5- Poème(s) de la douceur d'aimer, in "Femme majeure" (prix Villon 1977) et Ces chemins ((du baiser)) in "Bonheur désarme" (1975)

6- Poème de la douleur d'amour, in "L'Amour le Feu" (1991)

7- (3 mini-)poèmes 2007 de l'enfant aux Doudous, in "Haïkus" des mêmes (publiés en 2010)

8- Poèmes en prose 1997 & 2000 des Batignolles, in "Petit Guide du Square" (1re éd. 2000; 2e augmentée 2001) : Manège & Avis de tempête au siècle dernier

9- Poème d'Espagne 1982 Corrida, in "Sur sept tableaux de Caillaud d'Angers" (2 éditions 1999 & 2000, présentant 8 traductions en allemand, anglais, espagnol, puis en hongrois, italien, tchèque)

10- Poème du 17 mai 1975 : Oradour, in "D'Europe" (1998). Et in "Shoah", ouvrage de bibliophilie trilingue illustré par Maria Emdadian paru en 2007 aux éditions Transignum 

11 b- Poème(s) du Louvre, in "Grand Louvre" bilingue franco-allemand (2010) : L'adoration des Bergers (du printemps 2008, d'après Georges de la Tour) / Cf. aussi 11 a : "Musée du Louvre" paru en 1984; reproduction ici de La Victoire de Samothrace de février 1981 / 

12- Poème d'un paradis terrestre créé le 8/ 6/ 1974, in "Le Paradis terrestre" (prix Froissart 1976)
(cf. aussi "Jardin de Simples" de 2007, avec Vu & V. Q. et  Galet datant de l'été 2004)  

13- (trois) poème(s) d'un patio angevin, en sept. 2000, in "Tanka du cloître angevin"(paru en 2001) 

14- Poème Epicentre du 9/ 7/ 1980 sur un volcan, in "D'Islande" (1982)

15- Poème parmi les plus anciens, in "Orphée sauvage" de 1973 : Dimanche (du 11/10/1970)

16- (brefs) Poèmes picards, in "Grandeur Nature" de 1989, soit trois décoordonnées d'août et sept. 1978

17- Poème en écriture automatique du 6/ 7/ 1975 (extraits X et XI) pour un avatar de la Fée Mélusine (dite "MéluZine", titre 2000). Première publication sous le titre général de "Nautonière" (parution 1978) puis amplement remaniée

18- Poème sur un air de rêve (Jean-Michel Jarre), in "Quinze ans de poésie" (1981), soit : Oxygène datant du 25/ 6/ 1979

19- Poèmes sur une pré-naissance (30/ 12/ 2000), in "Parent(hèse viscér)ale" de 2001. Et son contraire > un malaise dans la civilisation : Au-dessus du volcan de 2003 issu de "Planète Foot / War Planet" (de 2004)

20- PLUS : Un poème de Paris, in "Parcs et Lunaparks de Paris" : Vacance au Luxembourg - Création & parution 2006.

21- (trois) poème(s) des ciels, in "Ciel-Symphonie" (2006) : Cycle du printemps ou Le tendre soleil & Le destin navigue

22- (deux) extrait(s) > haltes I et V du Grand Canyon, in "Cantate" du même, ouvrage de bibliophilie paru en 2009 avec 7 linogravures de Pierre Cayol (éds Transignum)  

23- Un poème du monde, in "Taj Mahal" d'août 1982 (1er verset). Autre livre de bibliophilie paru en 2012 avec trois gaufrages de Maria Emdadian (éds Transignum)

24- Poème en prose : Corps atomique, de l'été 2012 (11 août), à lire d'une seule émission de voix. Il s'agit d'un appendice à "Riches Heures du sexe amoureux" (paru en 2012), publié dans le "Manifeste atomique" créé par Martine Rigo-Sastre, en complicité avec Michel Capmal & Jean-Marc Thévenin aux éds Voix Tissées, Paris 2013.

25- Venezia col tempo ou "Venise avec le temps" > inclus dans le livre d'art "Beauté de Venise" qui présente 2 nouvelles variantes par rapport au texte initial du 10/ 10/ 1969, publié en 1981 in "15 Ans de poésie" - Ici, reproduction de cette page - Un poème traduit en italien.

26- Un poème sur le poète du 23/ 5/ 1980, in "Picardie-Poésie" de 1981.

Soit un ensemble  de 26 textes brefs, pour la plupart (poèmes, haikus, proses), écrits de 1967 à 2012.



Ce CHOIX correspond au confluent de la volonté et du hasard. Le télescopage des temps étonne parfois l'auteur ... sinusoïdales cependant, serpentant de la beauté à l'horreur, à la joie ou à l'espoir.


1

TERRE  EN  GLOIRE   (3 strophes)



- Je veux le monde épanoui

entre une terre et ses torrents

et la grappe du jour nouveau

entre nos doigts pour l'égrener

- Je veux une marée d'ogives

et la courbe de la lumière

la ride absente de ton front

- Et je veux la table dressée

sur les os de nos errements

passés. La nuit déjà déserte :

(Ier janvier 1967; à Eugène GUILLEVIC)

* * *

2

POEME  à  RÊVER EN FORÊT  (5 strophes)

- Pays d'entour

où s'élèvent les âmes   légères   des fantômes et des biches

Une frontière translucide le sépare

du royaume des hommes

- Il fait forêt   au vent bruissant des fûts

des centenaires jeunes

et des lierres moussus   des gravelles

paissent au long de leurs flancs

- Des éventails nous bercent

ou des mains nous bénissent

et l'odorat s'éveille

entre des sentes à senteurs

d'impalpables soeurs vertes

- Que savions-nous ? Un tronc tombé

est un soleil sensible

et les géants disent tout à la fois

l'humilité et la splendeur

- Et nul ne les verra monter

sans sa mesure

sans sa mémoire

enfouie   au fond des lymphes   ou des chevaux

* * *

3

ILIENNES

La mer sensible à remous bleus

bruite de source   et s'entrechoque pleine

azurite marbrée   roue d'étoiles



Sommeil des flots où l'on sombre   porté

bercé en des mailles de lune

des filaments ou des cheveux marine

Peut-être des sirènes se formant

en des flux de liquide   dessinées

en des bains immortels de renaissance

* * *

4

NEFERTITI (du Musée de Berlin)

Reine au profil parfait

sous la Tiare du monde

- Equilibre   entre   diagonales de plâtre -

Cependant   chair vivante

col sensible

décapité de charme bleu

&

TOMBE  de  NAKHT

FEMMES

à jamais rêvées sur de la pierre

dans la simplicité du trait qui fonde

se donnent -comme fleur- la Connaissance

offrent des libations aux vivants et aux morts

* * *

5

(LE  BAISER)

Ces chemins dans ta bouche

Quel passeur de châtaignes

pour gagner la forêt !

(ou   de)

BONHEUR  DESARME

Tu viens après l'amour

le corps ailé

les yeux bleuis- en verte plénitude

Conjuguée à l'amour

et  de  là

infinie

* * *

6

L'AMOUR   LE FEU

J'écris pour te parler de mes silences

J'écris d'amour et par sa déchirure

J'écris comme ma main qui te caresse

J'écris où des larmes me viennent

J'ai tant besoin de te guérir avant la mort

J'écris pour être ta musique    -    Là

* * *


7
TROIS HAIKUS DES DOUDOUS


Humour nécessaire

dans ce monde désastreux

Plus : un coeur d'enfant (1 b)

+

Havre de chaleur

Compagnon de poésie

Pégase de laine (3 a)

+

Orphelin blessé

tu incarnes dans tes yeux

les enfants du monde (9 b)


* * *

8

AUX  BATIGNOLLES


AVIS de TEMPËTE au SIèCLE DERNIER

Comme la Nature vomissait les transgressions humanoïdes à son encontre, en déchaînant les vents / les eaux / les feux, le petit Square avait subi le choc d'un Noël délétère.

Le pire avait été évité grâce à la répartition judicieuse des immeubles, le protégeant par leur carré ouvert au Sud. Mais, pour l'amateur de jardins, le beau "cabinet de verdure" avait été chaviré dans sa disposition (... de nouvelles clairières) et dans ses chants.
Des musiciens estimèrent, à l'oreille, que de nombreux migrants : merles moqueurs, grives grivoises, romantiques rossignols, fauvettes picardelettes, s'en étaient retournés dans leur campagne -Sans doute, elle aussi, menacée ...

Seul le poète Dierx, Réunionnais, resta soudé au Paris de son Parnasse.


+

MANèGE

La grande affaire des femmes, du moins les recluses dans leur appartement, était le Ménage. Mais ensuite, tout au plaisir de sortir avec leurs bouts de chou, on changeait -ni vu ni connu- de voyelles, et la corvée du ménage devenait ... la joie du Manège.

Ce bonheur d'un parcours circulaire offert aux moins de 11 ans ! entre les panneaux coloriés, les lampions, les klaxons, les animaux pimpants des crèches d'autrefois, que l'on pouvait prendre d'assaut sans se faire mordre. C'était l'Âne, le Cheval et la Vache, voire même les véhicules des grands : du Vélo à la Moto ... Ou à l'Avion, naturellement interdit aux moins de trois pommes. Pour 4 francs le tour, 30 francs les dix, on entrait dans le paradis des faux départs, stridentes sonneries, adieux désespérés. Car il y avait de véritables douleurs quand on ne voyait plus pères et repères, ou plutôt mères et remèdes : "Papa, Maman, Anaïs !", hurlait ainsi une enfant abandonnée. Et des parents, apparemment souriants, mais crispés en-dedans, scrutaient les expressions de ces pionniers - Que ferait leur progéniture ? ... "plus tard" ...

Or d'un seul élan le manège révéla les destins :

Des fillettes s'envolèrent sans davantage se tenir, étalant leurs prouesses. Un rouquin éperdu étreignit de tout son corps la barre d'appui. Les futurs champions de Formule 1torturèrent le volant. Deux énarques des années 2010 -la soeur et le frère - montrèrent qu'ils s'ennuyaient à mourir, sans leurs jeux vidéo. Tandis qu'un futur présentateur TV criait de joie et distribuait des "BONJOURS" à l'assistance ! Plusieurs enfants semblaient porteurs d'un très vieil âge. Certains parents regrettaient de ne pouvoir entrer dans la ronde ...

... quand, brusquement, le tour cessa - Alors un énorme sanglot retentit : Je veux Z'emporter mon cheval !!!



* * *

9

CORRIDA

 

Parfois      la pique s'égare
et ça
CRIE
dans la cavalcade saillante des paupières

Le rouge étrangle le théâtre
et le cheval comme une infante
dans ses atours forcée.

L'Espagne     entière     éclate

* * *


10

ORADOUR

Grand chant d'oiseaux 
Force des feuilles 
ICI le soleil est si calme


Mais les murs ruent d'angoisse 
mais le sang colle 
Ah fusiller les abeilles   et les morts 


Les corps se mêlent 
comme jamais avant 
LES ENFANTS BRULENT ! ! ! 
N'avoir jamais aimé - Ni mis au monde


(Cassé/e de larmes 
étouffé/e par les cris 
tu ne peux plus supporter les visages)

* * *

(de)  11 a

VICTOIRE  de  SAMOTHRACE

Où la femme s'envole

au mouvement offerte

- Centre des Vents

& 11 b

L'ADORATION des BERGERS  (d'après Georges de la Tour, nouveau poème 2008)

Un cercle réuni

dans l'essentiel des signes

(Jeune et vieux couples - Le "ravi")

L'agneau flaire l'enfant sanglé

dans un sommeil de fève

* * *

12

Poème du PARADIS TERRESTRE

la Joie de juin s'accomplit dans les chaumes 
la terre danse à sa merci

les vaches font leur marché d'herbes 
les champs vernis sont leur délice

de petits villages apparaissent

les hirondelles les cisèlent

le ciel est comme un jour de chance 
on en oublie les cycles les moteurs

des poules blanches s'ébouriffent 
elles misent sur leur parure

chaque arbre tend son bouquet de vertige 
on voit des coq'licots en escalade

et le Blé fort signe sa route 
et rit dans l'aire

(OU)

VU  et  V.Q.

L'WAZO  familier d'Orphée

prend pour cabinet d'aisances

les feuillets du PWET  !

Sa chiasse violette :

encre d'un sonnet

de bel acabit ...

(ET)

GALET

caillou ovale,

pomme de terre miné-

rale, tu étonnes la paume

par ta douceur. T'entailler ?

le couteau n'en peut mais.

Tu es intégrité, fidélité au

Temps, que seule érode la

très-lente patience

(Ce poème sans titre est dédié à l'aïeule picarde inconnue : Berthe Caron, née Gallet)

* * *

13
TANKA


Dans l'oeil égyptien
ouvert sur ce mur
d'autres voient salpêtre

Le mur
ne dit pas  :  la mort
Mais  la mer !

+

Tous les amis qui sont partis
/ depuis la poussière /
nous regardent

au soleil suffisant
pour voir renaître
les oiseaux

+

Flash éblouissant
la disparue de plus d'un siècle
veille

Renée
d'une infinie soirée
d'octobre


(note de l'auteure : ma mère est morte le 21 octobre 1989. Sa soeur se prénommait Renée)

* * *

14

EPICENTRE (une identification au volcan)

Comme une bête 
dans un paysage de torture 
où elle s'est toujours connue 
et elle monte 
entre cratère et lave éteinte 
sentant son coeur semblable aux pierres brunes 
son vieux coeur qui fléchit 
au tam-tam de la terre 
et elle sait du fond 
le feu armé 
la fusion des matières transmissibles 
aspirant au dehors d'air fulgide 
la terre-jet   ah la terre phallique 
la nuit des temps 
ancêtres de poussière 
la vie solide qui hurle d'artifice

Erupter et couvrir et tuer 
mater l'ombre 
frapper le soleil noir aux yeux déments 
maudissant maudissant en doigts d'encre 
en bouillie de cailloux 
la ville grège 
et se donner la mort 
à se vomir 
en mégatonnes de tephra de croûtes 
tout le sang bouillonnant de ses ténèbres 
jusqu'au repos   passager 
des offices

* * *

15
DIMANCHE

Jour inouï  tu sommeilles   j'y porte les mains 
c'est la fleur éblouie des regards qui alimente les sources d'ombre

Sérénité d'impuissance on découvrait tes plis vertigineux 
on te nuançait de mordorures 
on simplifiait l'immense

Voici que s'installe un marché de printemps 
les rues sont fleuries de carrosses 
l'automne fête de rouille les collines où nous allons

LE MONDE EST ROI 
TOUT S'INAUGURE AU CRI   QUAND TU DECHIFFRES 
Tout se parsème

Soient les fleurs de l'espoir non cueillies 
les cyprès incertains 
l'aube parcourue sans partage 
le présent ininfiniment suffisant

Dimanche inassouvi de sève 
tu modules tes hêtres 
tu déchires de splendeur 
tu écartèles

* * *

16

GRANDEUR NATURE



Parler du vent 
dans les feuillages 
de ses caresses bleues 
Et nul ne voit qu'il passe 
hors les oiseaux

* 
Parfois le noyer s'endimanche 
- Feuillage fauve au bois blanchi -

* 
Chanter avec l'oiseau 
pour clamer territoire 
orée des ailes 
et la ferveur d'aimer

* 
Etre d'été 
au midi qui rayonne 
Etre un autre soleil

* 
Guetter les feuilles 
au pur instant de transparence 
Au passage des fées


* * *

17

MELUZINE

(X)

le Forgeron

viendra

avec

un sceptre de genêts

°

elle ouvrira

il a sa main sur les barreaux

°

TIRER LES JONCS

POUR QUE LE CHAUDRON

TONNE

EN DES GLAS SOMPTUEUX



°

Elle s'appuie aux grès

Le temps lui faut

Ce soir : oublier la pendule

Elle sonne les grâces

au gré de son propre cadran

(XI)

Elle serpente

par la lune

elle clame dix fois la montagne

huit fois le sang

une Son nom

°

Elle chasse au harfang

comme un signe

à Celui qu'elle aimait

* * *

18

OXYGENE

sur Oxygène de Jean-Michel JARRE

(Note fc : un poème à entendre dans l'audition conjointe du morceau de musique cité, tel qu'il fut écrit)

1 - Parfois l'horizon tremble 
et c'est la bulle intense 
qui lève et s'amplifie 
se perdant en nacelles 
en ocelles de flou

- Lors le chant de la femme vient 
s'offre et se mélange de siècles 
entre des nostalgies qui se diluent 
et s'extasient   d'aurores rondes

- Point d'orgue noir 
peut-être la tempête 
ou dieu    aux séraphins 
Des contractions de cercles qui s'exclament 
des chocs de lunes 
des cris de météores 
et ce balancement tissé de palmes

vers un point qui titille 
et le tam-tam serpente 
qui bat comme ton coeur 
et des feux d'artifice se dispersent

- Tam-tam des astres 
et tout se danse 
dans le miaulement des fusées 
Oh ! Vie qui jouit 
Majesté nue 
déflagrante de sang

- Des nuits froissées vont dépliant 
et nous la jeune écharpe des humains 
rentrons par la musique 
dans les orbes 
dans les ordres de l'éternelle foi 
car Tout est tout 
et l'Un et son Contraire 
- Couple du plein du vide 
alternance des bras 
et la mer qui gravite 
Largesse

Naissante l'arche
est jour
 
parfaitement légère et recueillie

Parfois des architectes

2 - Appel   Appel
à vénérer        à être 
ouvrir le sexe            l'âme 
force d'amour qui luit 
ô langues de joie qui pardonnent 
ô pieds   volants   de crêtes 
et le nom de la mort : 
balbutiement baroque à flancs d'oiseaux

- Lente décantation des routes 
les hautes et les basses

pour qu'en ce pur repos 
claquent les mains 
brillent les yeux 
broient les mâchoires 
tangue toujours la Vie 
dans le reflux

3 - Lame des vagues 
sur l'humble plage humaine 
- Et le chant du soleil recouvre 
et prend la peine comme joie 
effleure tout 
dans l'infini Mystère et l'infinie Réponse

RESPIR   DU   MONDE

* * *

19

SAINTETE   de la femme enceinte

... je suis des yeux l'amie en longue robe blanche,

grosse de Vie,

si forte de sa constance à porter poids précieux

ancré, proliférant en elle,

Elle ...

de stature fine cependant, délicate.

Tellement émouvante maintenant par cela même :

le nouvel équilibre qu'elle recherche -

Arquée - Tendue

vers l'avenir de son fruit

Fille devenue   l'Arbre

(à une jeune Amie "porte-joie", à l'égal (!) d'un certain Pierre du même nom ... directeur de la revue "Le Temps parallèle")

+

"AU-DESSUS DU VOLCAN"

(Une "niouze" - Ici, présentation du 1er paragraphe sous forme de prose "poétique")

Le K.M.O. ou Corps du Monde Occidental était malade. Il n'avait, en principe, "que du bonheur",

santé, argent, biens de consommation purement matérielle, nécessaires ou martelés par la pub.

Et même en excédent. En excellent excès,

de sorte qu'il fallait beaucoup jeter : jeunes, jobs et autres joujoux avariés. (...)

* * *

20

VACANCE au ...  LUXEMBOURG

(Jardin de Marco Polo, Fontaine Médicis de ce parisien Palais)

Le Luxembourg   c'est

5 ou 10 événements

par imag'-seconde

°

Nos yeux-photographes

informent du faux   du vrai

nos bouches-témoins

°

Invitation douce :

Ouvrir les mains comme feuilles

vers la bonté chaude

(extraits du dernier poème composé de haïkus : ici les 144 à 146 - certes "rythme" 5 / 7 / 5)



* * *

21

CIEL - SYMPHONIE

Cycle du printemps

Le vent brasse les nuages

Hanches de lumière

(OU)

Le tendre soleil

illumine mille houppes

à son poudrier

(ET)

Le destin navigue

Jupiter enlève Europe

... Naissent continents

* * *

22

DEUX  TEMPS  (et haltes au)  GRAND  CANYON

(I)

Le nom de Ce qui nous dépasse

et nous sommes vivants

face aux châteaux d'argile

(l'esprit rêve d'un choeur inouï

pour ce saisissement   ce rituel d'aube)

---

Pieds nus sur une terre au vent violet

tête ceinte des plumes des nuages

Et comme un officiant offrant l'encens

*

(halte V)

Des levers d'aube

en plein midi

quand les canyons brûlent d'ivoire

* * *

23

TAJ   MAHAL

(I)

Voûte rouge du monde

précédant le bijou

les secrets d'échancrure

la rigoureuse proportion

le creux   le plein   des bulbes

dans un sacre d'ivoire

veiné d'humain à peine

en versets d'un Coran musical

* * *

24

CORPS ATOMIQUE

Bienfait pour nous des jambes (z')ouvertes (z')enserrées autour

de tes hanches tes branches talonnant (t')aussi le ba -

lancement rivière au ventre orage aux seins précipités dans

la digue des bras sorellité Frater ! des (z')yeux le bref

moment béni en riches (z')heures (z')en découlant où tout

s'accorde à l'univers uni le sang ayant gagné les plus fines

ramures les plus tendres bronchioles éclairant la moindre

caverne joie électrique de clef étincelante profondeurs

volcaniques profondeurs explosives éclairs de Zeus à la

Terre d'Hadès à l'Eau des Néréides le sexe encore

éparpillé écarquillé  Sexe de forge  Sexe natal  Sexe à

jamais jeune du monde

(à lire d'une seule émission de voix, sans oublier les -e faussement "muets")

25

VENEZIA  COL  TEMPO

Francine Caron,

« Venise avec le temps », (inédit, 2011) :

C'est toujours

vers toi que je reviens / malgré

l'affleurement d'ardoises / malgré

le meurtre des images / malgré

les marches de l'oubli / malgré

le calice immobile /

malgré  ...  bon gré

 

Maison dorée de mes amours

te balance chaque gondole

AVEC LE TEMPS ... AVEC LE TEMPS

AVEC LE TEMPS

Sang glauque

les yeux se lèvent souterrains

Au loin rugir

colonnes mutilées de pourpre

L'orage court

juge le doge agenouillé

Chien Roch

tes pieux rongés comme des os

Hurle sirène

Tintoret s'écartèle

et sous les flots

pâle équidistante de ma mort

VENISE

Venise

immense amour

La nuit a dévoré l'ultime



 

* * *

26

POETE

Le poète

semblable à l'arbre

s'édifiant par la sève

sous les terres

lancé à tous poumons

dans la clarté

Debout

essayant d'être libre

jusqu'à la durée de la mort

 


LES TEXTES de RECENTE PARUTION (2000 à 2008) SONT PUBLIES AVEC L'AIMABLE AUTORISATION DE LEURS EDITEURS :
Alain Benoit (Rochefort du Gard) pour Le Square des Batt' /sic !/, Donner à Voir (Le Mans) pour "Jardin de simples" et "Haïkus des Doudous", La Jointée (Boulogne sur Seine) pour "Parcs et Lunaparks de Paris", Les Amis de la poésie de Bergerac pour "Egyptiennes", Les Dossiers d'Aquitaine (Bordeaux) pour "Planète Foot   War Planet", L'Oeil pour l'Oeil (53) pour "Ciel-Symphonie", Orion (Nantes) pour Venise, Transignum (Paris) pour "Cantate du Grand Canyon" & le Taj, Verlag im Wald (Allemagne) pour "Grand Louvre".

Note DLR : Il va sans dire que le choix pour l'auteur a été des plus difficiles car déjà, de 1965 (> premiers poèmes "pour le tiroir") à 1982, on en compte un petit millier. Ce faisant = le lecteur curieux pourrait juger des différences de tons, de styles, sur quelque 40 ans d"écriture

On découvrira d'autres poèmes en consultant le fichier des TITRES. Tout comme le site de Silvaine ARABO correspondant à l'an 2000. Ainsi que quatre coups de coeur de Jean-Pierre DESTHUILLIERS, webmaster de l'hypersite Adamantane